Description
Antoine Nochy, instructeur des stages, est philosophe et ingénieur écologue. Unique européen formé aux techniques de détection, d’étude, de suivi et de capture du loup par Douglas Smith et Carter Niemeyer qui sont les architectes du retour maîtrisé du loup dans les rocheuses étatsuniennes, notamment au Parc National de Yellowstone. Il étudie les loups sauvages dans leur milieu naturel en Europe et aux Etats-Unis depuis plus de 20 ans. Il est aussi le fondateur de l’association Houmbaba, constituée sur la base d’un regard pluridisciplinaire et novateur porté sur l’écologie afin de promouvoir concrètement le sauvage dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le paysage social des hommes.
« La première fois que j’ai vu des loups, c’était en Cévennes, en 2004, à 4 kilomètres à pied du village dont est originaire ma famille. J’ai compris à cet instant que nous avions une meute. Son retour avait officiellement été annoncé en 1992, il n’y avait aucune raison pour que cet animal se cantonne à la frontière italo-française. J’ai voulu en parler, ça n’était pas le moment. Les visages se fermaient, les sourcils se dressaient. Des loups! Pensez donc! Les années sont passées. Et puis d’un coup, plus de sangliers ou de chevreuils là où on les attendait à la battue, des troupeaux fébriles, des traces en losange, des chiens qui disparaissaient, quelque chose dans le pays avait bel et bien changé. »
A qui s’adressent les stages de pistage du loup ?
A tout le monde ! Citadins, ruraux, usagers de la nature, éleveurs, pisteurs amateurs, etc.
En quoi consiste le pistage du loup ?
On se base sur une information donnée par un habitant. Les informations qu’on préfère sont celles signalant les attaques. Ensuite on part à la recherche d’empreintes dans les périmètres de l’information. En fonction de la période de l’année, les empreintes donnent des informations sur les activités des animaux, qui peuvent être les suivantes : chasse, reproduction, éducation des petits. De là on détermine des périmètres qu’on va considérer (de janvier à septembre) comme ceux de l’éducation. Pendant cette époque les animaux ont un comportement peu spectaculaire. La meute est scindée entre le couple et le reste des individus. Petit à petit le reste de la meute va entourer le couple et les petits pour s’en occuper. Avec de nombreuses étapes d’apprentissage, le passage du lait à la viande, du pré-digéré au cru, puis le fait d’assister à l’abattage. Donc on travaille sur l’élusivité de l’animal. Si on observe des traces dans un périmètre donné pendant des mois, cela signifie qu’il y a du loup résidant et non dispersant. Celui-ci est forcément en groupe. Un loup ne fonctionne seul que pour la dispersion sinon par définition il partage son territoire avec ses partenaires. De nombreuses informations sur le choix des périmètres ne sont pas données ici. Le plus simple est de suivre l’année du loup, qui commence vers le 15 février, pour comprendre comment il se spatialise. Les indices sont ensuite classifiés dans une nomenclature internationalement acceptée.
Le pistage du loup doit suivre un protocole adapté au calendrier du loup et à son comportement, notamment de février à juillet, quand l’espèce est semi-nomade dans le cas de meutes possibles ou probables. A cette période, la détection est facilitée, et ceci même en dehors de tout dommage aux troupeaux domestiques. C’est ce calendrier qui détermine les efforts de prospections.
La prospection consiste à parcourir différentes pistes potentiellement empruntées par des loups : sentiers battus, chemins de terre et allées forestières. Ces sentiers et pistes étaient parcourus sur une distance de 500 à 1500m en fonction des indices de passage d’animaux.
Les sentiers et pistes sont choisis selon les critères suivants :
• Substrat favorable pour « retenir » traces, voies et pistes animales ;
• Pistes correspondant à des « corridors » réguliers de déplacement (traces récurrentes) ;
• Accès aisé ;
• Distance à parcourir limitée.
Au fil de ces prospections, les indices rencontrés sont systématiquement examinés et rapportés sur des carnets de terrain sur la base des critères utilisés par les correspondants du réseau loup – lynx de l’Office Français de la Biodiversité : principalement les empreintes de pattes et les voies (succession d’empreintes), pistes et corridors empruntés. En complément, des marques au sol (gratis de définition du territoire), les fèces (excréments), traces d’urine, et poils sont recherchés. L’analyse des carcasses de proies sauvages comme domestique et leur mode de consommation concourent aussi à la formation d’hypothèses sur la présence et l’activité de loups.
Pour chacun de ces éléments de présence nous enregistrons le lieu (coordonnées GPS), la date, la dimension (pour les empreintes de pattes) ainsi que la longueur du pas et sa révolution en cas de 4 pattes ou plus sur la même piste.
Le pistage des chemins est effectué par deux personnes pour des raisons d’efficacité, d’objectivité, et d’ouverture du champ de conscience, de réflexion et de perception. Le pistage a en effet pour but de construire des hypothèses communes sur la nature des indices trouvés.
Le travail d’identification, d’analyse et d’interprétation des indices s’appuie sur l’expérience pratique d’Antoine Nochy.
Une fois que ces critères sont établis on peut commencer à élaborer une stratégie où on va produire de la cartographie et de la statistique. On peut commencer à réfléchir à une arborescence de pièges photographiques. Il ne manque que la télémétrie (savoir capturer) et on a l’intégralité des techniques disponibles pour appréhender un animal aussi furtif que discret.
Encadré méthodologique sur le pistage simple, systématique et spéculatif *:
Le pistage « simple » est le fait de suivre des empreintes dans des conditions idéales, c’est-à-dire lorsque les traces sont claires et faciles à suivre (sol sableux, limon humide ou dans la neige…), lorsqu’elles ne sont pas cachées par la végétation et que d’autres pistes animales ne risque pas d’embrouiller le pisteur.
Le pistage « systématique » implique la collecte systématique d’informations à partir de signes, jusqu’à ce que l’on parvienne à construire une idée claire de ce que faisait l’animal et de l’endroit où il se dirigeait. C’est une forme plus raffinée de pistage qui nécessite des capacités de reconnaissance et d’interprétation des signes dans des environnements où les empreintes ne sont ni évidentes ni faciles à suivre.
Le pistage « spéculatif » nécessite de forger une hypothèse de travail, à partir d’une interprétation initiale des signes, d’une connaissance des comportements de l’animal et des conditions du terrain. Après avoir reconstruit hypothétiquement dans leur esprit les faits et gestes de l’animal, les pisteurs vont chercher des signes à des endroits où ils s’attendent à les trouver. Au lieu de suivre les empreintes, le pisteur spéculatif prédit les lieux où les traces pourront être trouvées. Sur les terrains difficiles et vastes, où les traces ne sont pas faciles à voir, cela rend le pistage bien plus rapide.
Les pistages simple et systématique impliquent un savoir empirique fondé sur un raisonnement inductivo-déductif. Le pistage spéculatif suppose une créativité scientifique fondée sur des raisonnements hypothético-déductifs. En ce sens, il constitue fondamentalement une « nouvelle manière de penser ».
* d’après Louis Liebenberg, anthropologue et pisteur sud-africain, auteur de nombreux ouvrages sur le pistage.