Réponse Houmbaba : Faux
Cf. extrait parution – (Oui, la prédation sur certains troupeaux est une réalité… Mais la cohabitation est possible, le bétail tué est correctement indemnisé, le doute bénéficie à l’éleveur, les brebis meurent surtout d’autres causes, en 10 ans au maximum 0,6% du cheptel – sur 700 000 brebis- contre une mortalité hors loup de 3 à 7% pour les brebis, 10 à 15% pour les agneaux, 400 000 à 500 000 ovins de réforme envoyés à l’équarrissage).
Le taux de moutons tués et attribués au loup depuis 10 ans (0,6% du cheptel[1]), en augmentation constante, est au moins six fois plus élevé que celui observé dans deux Etats Nord-américains entre 1994 et 2004 avec une population de loups équivalentes à la nôtre à l’époque.
Pour la seule année 2012, ce taux de prédation s’élève à 0,8% -6000 moutons indemnisés- pour 250 loups officiellement (là où par exemple, la prédation moyenne constatée sur trois années, 2000/2003, dans le Wyoming était de 39 moutons/an -79 à 117- et 27 veaux/an -7 à 45- pour 177 à 301 loups !).
Le problème est que ce taux de prédation continue de croître à mesure que la population lupine augmente et qu’elle est désormais viable. Avec le risque qu’il constitue dans un très proche avenir, au-delà d’un seuil critique (>>1 %), un handicap économique à la filière cette fois, faute de volonté d’utiliser la seule technique connue -la capture scientifique[2]– pour réduire fortement les conflits récurrents avec les troupeaux.
Et s’il ne représente encore qu’une faible proportion de la mortalité naturelle (comprise entre 3 à 7% pour les brebis adultes), ce n’est là qu’un point de vue quantitatif sur l’animal.
Or, la quantité est le plus bas degré de la qualité. On ne peut pas résumer le travail de l’éleveur à une quantité rémunérée par une quantité. Etre éleveur, c’est par le biais de la vie, de la naissance, de la croissance et des rythmes saisonniers d’alimentation dans une diversité de parcours, une activité qui répond à une exigence de qualité ou non. A partir d’un remboursement (200 à 225 €euros) d’une brebis allaitante tuée, il n’est pas possible de rendre compte du travail technique, des savoirs et de la réflexion nécessaires pour une qualité à produire, mobilisés par l’éleveur.
Le problème de l’élevage avec le loup, ressemblerait plutôt au problème du lion avec la hyène. L’homme est un animal territorial comme le loup. Les « angoisses » du lion et de la hyène à vivre l’un avec l’autre, génèrent des effets contrariants et contradictoires que les deux espèces s’imposent mutuellement. De la même façon, le loup angoisse l’éleveur sur sa potentielle liberté d’action susceptible d’être entravée sur ses parcours et ses lieux de travail. A cette angoisse, s’ajoute une « pression » du monde écologiste (une forme de stigmatisation sur le côté « archaïque » et l’impossibilité supposée de rencontrer la nature pour l’éleveur et le chasseur) qui ne reconnaît pas la valeur d’usages de la nature.
Reste que tous les éleveurs ne sont pas forcément des pasteurs. Le rôle du pasteur, son métier et sa spécificité, est d’abord de savoir garder contre les prédateurs, de mener sur les parcours et de soigner. C’est un des changements majeurs dans le paysage rural que cette possibilité des éleveurs de faire du mouton « hors sol » en plaine comme en montagne. Il est très étrange qu’en France, l’on ait accepté de ne pas apprendre aux éleveurs à se défendre contre le prédateur, et/ou de les accompagner pour le faire avec eux, un métier en soi et une technique qui se sont établis très tôt en Amérique du Nord à l’occasion de la réintroduction et du retour spontané du loup venant du Canada.
Là-bas, l’on se retrouve dans la situation originale où ce sont les associations écologistes qui payent les dégâts (32 000 $ pour 137 ovins et 66 vaches en 2003 pour 300 loups, 70 000 $ pour 209 moutons, 57 vaches et 6 autres animaux en 2004[3]) et qui considèrent que pour protéger l’animal il vaut mieux le protéger aussi contre ses « défauts ».
D’un point de vue biologique, gastronomique et économique, les notions de paysage, de pays, de territoire et d’appartenance -d’identité- sont plus que jamais interrogées par le retour d’aléas dits « sauvages », de la forêt… au loup.
[1] Par rapport au cheptel présent dans les zones concernées.
[2] En 2013, 70 loups ont été capturés et équipés par collier émetteur par l’IDFG (Idaho Department of Fish § Game) dans le cadre du suivi annuel du « Wolf Conservation and Management Plan » (2002 Wolf plan). Et 22, sur les 356 loups tués à la chasse, étaient des loups équipés et suivis (sur 112 loups suivis pour une population présumée de 659 loups). Idaho Department of Fish and Game and Nez Perce Tribe, 2014. 2013 Idaho wolf monitoring progress report, 74 p.
[3] Les prédictions envisagées en 1992 avant la réintroduction des loups sur les pertes causées aux troupeaux domestiques (Environnemental Impact Statement Prédictions) dans la zone de Yellowstone se sont avérées conformes aux résultats observés 10 ans après leur réintroduction (entre 1 887 et 30 470 $ par an). Elles avaient été estimées sur la base des taux de prédation sur les cheptels au Minnesota, au Nord-ouest du Montana et en Alberta, par le nombre relatif d’animaux domestiques à risque pour 100 loups : 1 à 32 vaches/an et 17 à 110 moutons/an. Sources : Yellowstone after Wolves, Environnental Impact Statement Prédictions and Ten-Year Appraisals, Yellowstone Science, Vol 13 (1), Winter 2005, p. 34-41…
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