La double crise de la biodiversité et du réchauffement planétaire oblige à repenser le phénomène socio-économique de la Révolution industrielle dans le contexte climatique, biogéochimique et écologique de la Biosphère, et son évolution de longue durée.
L’impuissance dans laquelle se trouvent pour le moment les classes dirigeantes à créer des « prothèses » symboliques et émotionnelles permettant aux hommes d’évoluer dans ce nouvel ordre du Grand Monde, qui déborde de toutes parts les espaces sensibles et culturels traditionnels sur la base desquels se sont édifiés les Etats nations, constitue une menace ressentie de désintégration sociale et régression politique.
La question de la « durabilité », si vivement posée au sommet des agendas nationaux et internationaux, marque ce suspens, face au constat que ce qui a été célébré depuis plus de deux siècles comme modèle de productivité humaine, le processus industriel développé à grande échelle, détruisant plus de réserves naturelles et humaines qu’il ne peut en régénérer, crée, sans retour, les conditions de son propre effondrement.
Nous sommes en devoir de tenir un pari dont les exigences sont sans précédent : non seulement apprendre des moyens de faire des profits qui permettent qu’il y ait encore des gagnants après nous, mais aussi développer des cadres culturels pour appréhender, autrement que sur le mode de l’apocalypse et de la rivalité de tous contre tous, les transformations profondes dans lesquelles nos sociétés sont engagées, inventer des formes symboliques pour donner sens à des phénomènes qui, par leurs ordres de grandeur spatiale et temporelle, échappent à nos capacités mentales…
Un paradoxe apparent de la modernité est le retour, depuis les années 70, de la grande faune sauvage, grands prédateurs inclus, au cœur de la civilisation industrielle. L’association « Houmbaba[1] » s’est constituée pour penser et agir à partir de ce paradoxe dans le but de promouvoir concrètement le Sauvage dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le paysage social des hommes, comme une évidence et une ardente nécessité.
Sa clé de voûte concrète est constituée de vastes projets (pour la France comme pour l’international dans son acception la plus large) impliquant, par leur réalisation même, une nouvelle approche de « La Nature », c’est à dire aussi de nous-mêmes, de nos modes organisationnels et relationnels. Il s’agit de favoriser un regard différent sur le paysage (orographique, hydrologique, phytologique et faunistique), à travers une multiplicité de terrains et d’actions : écologie, architecture, zootechnie, anthropologie, sociologie, oeuvres artistiques (cinéma, peinture…).
[1] Pourquoi le choix d’Houmbaba ? Dans « L’épopée de Gilgamesh » celui – ci est le Gardien de la Forêt des Cèdres, à tête de Lion et dont le rugissement est une inondation. Il veille sur les prairies, les rivières, les roselières, les collines, les forêts, et les « lions ».
A ce titre, il illustre le Monde Sauvage, et l’Image Animale qui en est l’élément le plus dense, l’un des aspects les plus fondamentaux dans le regard de l’Humanité sur elle- même.